Quelle évolution et quelle suite pour l’opération Vigilant Guardian après la baisse du niveau de menace ?

Des Carabiniers Prince Baudouin-Grenadiers déployés à Bruxelles au tout début de l’opération (crédit-photo Jürgen Braekevelt/BE Defence)

Au mois de décembre dernier, le ministre Jan Jambon avait évoqué une baisse du niveau de menace de 3 à 2 dans les mois à venir. L’annonce avait surpris mais personne n’aurait pu prévoir que cette baisse arriverait encore bien plus vite que le ministre de l’Intérieur ne l’avait laissé entendre. Le lundi 22 janvier, l’OCAM a annoncé la baisse du niveau de menace avec des mesures de sécurité adaptées. Cette baisse va avoir de facto des conséquences sur l’opération Vigilant Guardian, qui devrait disparaître si on se base sur les explications sans cesse répétées du ministre de la Défense mais qui va surtout effectuer sa mutation sur le terrain alors que sa fin se profile.

Une baisse graduelle

Du côté de la Défense, on ne souhaite pas encore communiquer. Pour l’instant, l’heure est plutôt à l’évaluation de la situation au sein de l’État-Major et il ne s’agit pas de se précipiter pour retirer les militaires de la rue. On nous a indiqué que les détails de la réorganisation devraient être connus dans les jours à venir. Selon les syndicats, le retrait se fera de façon graduelle car comme l’explique Concetto Bandinelli  du syndicat ACMP-CGPM: « cette baisse de niveau ne s’effectuera pas instantanément d’un coup de baguette magique ». Leur nombre aurait cependant déjà diminué dans les patrouilles de quelques centres-villes entre autres à Bruxelles et à Liège. Boris Morenville du syndicat SLFP-Défense estime qu’on devrait doucement revenir à la situation d’avant l’attentat du musée Juif de mai 2014. Il est certain en tout cas que les militaires seront toujours déployés dans certains lieux stratégiques comme les aéroports, les centrales nucléaires, certaines ambassades ou écoles, les centrales nucléaires. « Plus qu’un niveau 2, il s’agit d’un niveau « 2+ », soit un niveau intermédiaire entre 2 et 3: moins de militaires peut-être, mais une vigilance accrue, supérieure à celle du niveau 2 d’antan. C’est la conséquence du développement d’une culture de la sécurité née durant ces trois dernières années », poursuit Concetto Bandinelli.

Des parachutistes du 3ème bataillon en opération Vigilant Guardian à Anvers en 2015 (crédit-photo Patrick Brion/BE Defence)

Retour de l’armée à sa mission-première

Cette nouvelle donne pourrait avoir également des conséquences sur le planning opérationnel de l’armée belge alors que l’État-Major avait anticipé sur une opération Vigilant Guardian de longue durée et que les heures d’entraînement en 2018 avaient été encore revues à la baisse par rapport à 2017. Mais un calendrier opérationnel est appelé à souvent changer et à s’adapter selon les circonstances. Un nouveau devrait donc logiquement s’esquisser. Pour les syndicats, la réduction du nombre des militaires déployés dans les rues est avant tout une bonne nouvelle et un soulagement. « Le personnel pourra « souffler » quelque peu, se reconditionner tant physiquement que moralement. Trois années de déploiement OVG ont exercé une pression certaine sur la Défense. Ce rythme soutenu a eu un impact sur la famille du militaire », estime Concetto Bandinelli. « La Défense va pouvoir se reconcentrer sur sa mission première : assurer la sécurité de la Belgique grâce à des mission extérieures mais surtout reprendre un entrainement conséquent afin de garder les connaissances et l’expérience acquises », commente Boris Morenville. Malgré tout, Vigilant Guardian a contribué à donner une belle image de l’armée belge d’où un sentiment parfois un peu mitigé. « La mission était le meilleur moyen de montrer à la population le professionnalisme dont font preuve nos soldats, de rassurer nos citoyens et de montrer l’utilité d’une Défense opérationnelle », nous explique-t-il. Le ton est un peu différent pour Concetto Bandinelli mais la constatation est la même. « Cette décision démontre que la présence des militaires dans les rues a été effective et a contribué à la création d’un climat plus sûr », tient-il à nous préciser.

Des Chasseurs Ardennais en opération Vigilant Guardian à Bruxelles en septembre 2017 (crédit-photo Bordi/BE DG-Com)

Fierté du travail accompli

Après trois ans, fierté est bien le maître-mot pour qualifier le travail remarquable  des militaires de l’opération Vigilant Guardian. « OVG a démontré que les Forces Armées belges ont contribué d’une manière professionnelle et intègre à la sécurité interne de notre pays et que les militaires ont exécuté cette mission de façon responsable et très compétente », explique Concetto Bandinelli. « Nous voudrions exprimer notre fierté en face de cette nouvelle génération de militaires calmes, bien formés et ayant le bon spirit d’efficacité et de retenue. Job well done ! », déclare William Testaert du syndicat PROdef.be. Que ce soit lors des attentats du 22 mars 2016 avec l’intervention des militaires du bataillon de Chasseurs à Cheval qui ont sauvé plusieurs vies ou bien encore le 20 juin 2017 quand des Chasseurs Ardennais ont abattu un suspect en train de perpétrer une attaque terroriste dans la gare centrale de Bruxelles, les militaires ont toujours répondu présents et leur action a été appréciée.

Un militaire du bataillon de Chasseurs à Cheval en opération Vigilant Guardian à Bruxelles en juillet 2016 (photo d’illustration/ crédit bataillon ISTAR-IPR)

Et après ?

Alors que l’opération Vigilant Guardian va doucement tirer vers sa fin et que certains jeunes militaires n’auront connu que des déploiements dans les rues, l’après reste à éclaircir. « Il aurait fallu pendant tout ce temps engager les effectifs manquants à la police », estime Patrick Cansse du syndicat CGSP-Défense. « OVG confirme l’état de non-préparation  de notre pays pour faire face à ce genre de situation de semi-guerre larvée. Nos forces de l’ordre ne sont toujours ni formés ni armés pour faire face à ce genre de situation même si au niveau des informations elle a été bien améliorée. Les politiques restent toujours très réticents à vraiment comprendre certains enjeux sécuritaires et préfèrent toujours se confiner dans le social et l’économique », explique William Testaert. Le syndicat SLFP-Défense exprime ses appréhensions pour la suite: « Nous craignons un exode des jeunes recrues vers la Police qui leur offrirait ce qu’ils connaissent depuis leur entrée à l’armée avec un salaire de base ainsi que des allocations plus attrayantes. Pour la majorité des militaires ayant participé à la mission, il va y avoir une perte financière. L’armée va devoir renforcer son attractivité afin de garder son expertise en son sein », précise Boris Morenville. Le nouveau corps de sécurité, qui va voir le jour courant 2018, sera composé en partie de militaires transférés. Dans le dernier numéro de la Revue Militaire Belge et son analyse critique de l’opération Vigilant Guardian, le major Philippe Rooms avait la même crainte et le même scepticisme de voir les recrues préférer la police à l’armée alors que la Défense peine à recruter.

Depuis octobre 2017, le nombre des militaires déployés avait déjà diminué pour descendre en-dessous de mille. On peut supposer que leur nombre va revenir à celui du début de l’opération en 2015 soit aux alentours d’environ 200-300. La baisse ne sera pas pour demain et en attendant, les militaires vont continuer leur mission avec le même professionnalisme. Malgré la fierté du travail bien fait, le soulagement est  de mise après trois ans de déploiement dans les rues sans discontinuité et ce dans des conditions parfois loin d’être optimales. Il est encore trop tôt pour faire le bilan d’une mission déjà « historique » pour l’armée belge. Rien ne dit que dans un futur proche, les politiques ne reviennent pas sur leur décision si un nouvel attentat venait malheureusement à survenir.

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