La Chambre dit non à l’armement des drones de la Défense

Le bataillon ISTAR présente sa nouvelle acquisition de drone Raven en août 2017 (crédit-photo Malek Azoug/BE Defence)

En plein développement de l’industrie des drones et du débat sur son armement dans différents pays européens, la Chambre des Représentants a décidé de s’emparer du sujet et de trancher en votant une résolution qui engage la Belgique à veiller à ce que la Défense ne déploie jamais de robots et de drones tueurs dans le cadre d’opérations militaires.

Un point sur la capacité de drones de l’armée belge

La vision stratégique du ministre Steven Vandeput prévoit que la capacité ISTAR de la Composante Terre soit dotée en nombre plus important de drones. « L’importance relative des drones en opérations en tant que capacité de soutien stratégique ne cesse de croître. Il conviendra dès lors de les intégrer davantage dans le portfolio capacitaire belge », explique le document. Depuis 2004, l’armée belge possède 11 B-Hunter dont le 80 UAV Squadron de Florennes a la charge. Ces drones ont même apporté leur aide à l’opération Vigilant Guardian par la surveillance de certains sites au-dessus du port d’Anvers depuis la base de Brasschaat en 2016. En août 2017, le bataillon ISTAR a reçu huit systèmes RAVEN, qui sont actuellement déployés en Afghanistan. Par la suite, la Belgique veut investir dans deux drones MALE à court terme (2021-2025) avec l’acquisition de quatre autres appareils supplémentaires à plus long terme (2029-2030). Avec cette capacité MALE sur le même modèle que le C-SOCC, la Belgique voudrait contribuer à un ancrage capacitaire européen en comblant une lacune. Le gouvernement veut également avoir une capacité de drones HALE en participant au programme Alliance Ground Surveillance (AGS) au travers d’une contribution en personnel auprès du centre d’exploitation. La Composante Marine va également développer sa propre capacité de drones. La vision stratégique évoque la possibilité pour les drones MALE d’effectuer des interventions armées, précisant toutefois: « L’armement effectif (et les frais de fonctionnement des munitions qui en découlent) doit toutefois obligatoirement faire l’objet d’une décision gouvernementale supplémentaire. » La décision est donc désormais prise.

La majorité et l’opposition contre l’armement des drones

L’opposition avait déposé une proposition de résolution pour interdire l’utilisation de drones armés en décembre 2016. La majorité a décidé de déposer la sienne et de la faire voter. Le texte a été voté le 4 juillet dernier en premier lieu à la commission de la Défense. Il a été approuvé en séance plénière à la Chambre le 17 juillet dernier par 126 voix pour et 12 abstentions, certains membres de l’opposition ayant décidé de marquer leur désapprobation sur la forme et la récupération du texte par les députés de la majorité qui l’ont fait voter rapidement. La proposition de résolution souhaite également que la Belgique plaide dans les enceintes internationales en faveur d’une interdiction mondiale de l’utilisation de ces robots et de drones armés totalement automatisés.

Des auditions sur le sujet en mars en commission de la Défense

Face au débat, la commission de la Défense a organisé en mars dernier une audition sur le sujet:« L’utilisation de drones dans le secteur de la sécurité et de la défense » en mars dernier. Différentes personnalités avaient été invitées à s’exprimer devant les membres de la commission:  le colonel Van Strythem, membre du cabinet de la Défense en charge de suivi de la vision stratégique et ancien commandant du 80 UAV Squadron; Philip De Visscher, directeur des ventes et des opérations de la société Dronematrix de Hasselt; Jan Leyssens  de la société Airobot; Denis Jacqmin du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité); Christophe Wasinski de l’ULB (Université libre de Bruxelles) et Mark Vanlook d’EUKA, un centre de recherche dédié aux drones.

La Marine a lancé une nouvelle unité dédiée à ses futurs drones: Maritime Tactical Unmanned Aerial System (MTUAS) (Crédit-photo Jorn Urbain/Composante Marine)

Représentant de la Défense, le colonel Van Strythem ne s’est pas prononcé sur l’armement des drones en lui-même, cette réponse étant de l’ordre du politique, mais a surtout voulu évoquer l’utilité des drones en opérations. « Pour les militaires, il est essentiel de savoir ce qui se passe sur le terrain. Les militaires du Groupe des Forces Spéciales indiquent  d’ores et déjà que l’on ne peut plus se passer de ce type de systèmes en opérations. Servant en quelque sorte de jumelles aériennes, ils sont indispensables pour assurer la sécurité des militaires au sol. Il en va de même pour les opérations aériennes ou marines (…) Depuis une dizaine d’années, plus aucune opération d’envergure ne se déroule sans l’appui de drones, d’où l’importance d’investir dans ce matériel » insistant sur le développement d’une capacité anti-drones:« Il s’est avéré que l’État islamique/Daesh a également utilisé des drones à des fins d’observation, mais aussi pour larguer des explosifs. Des engins de fabrication artisanale ont même été lancés hors de portée de vue à plusieurs kilomètres de distance pour attaquer une base russe en Syrie. Il est donc nécessaire de disposer d’une contrecapacité UAS pour pouvoir contrer la menace de la prolifération d’UAS, tant sous l’angle militaire que sous l’angle de la sécurité. » Cette capacité n’est pas évoquée dans la vision stratégique.

Déjà très stricte dans ses règles d’engagement pour la moindre frappe aérienne, la Belgique disposera de drones armables mais qui ne le seront pas. Sa capacité de drones continuera d’effectuer des missions de surveillance et de reconnaissance.

Auditions « L’utilisation de drones dans le secteur de la sécurité et de la défense »

2 commentaires

  1. Pour information, les systèmes MALE que la Défense desire acquérir ne font pas partie de la catégorie des « drones armés totalement automatisés ». Dans l’éventualité où, après accord du gouvernement, ils seraient armés, ces MALE seront toujours contrôlés/dirigés par un pilote (c’est pourquoi on parle de Remotely Piloted Aircraft System, RPAS). Celui-ci est à tout moment responsable de l’appareil et de ses actions. Si, le cas échéant, il devait y avoir utilisation de la force, ce pilote est soumis aux règles d’engagement définies par le Gouvernement belge et ce exactement comme pour les operations F-16 avec aussi un RCH (Red Card Holder). Il faut voir ces avions exactement comme un avion habité, type F-16, sauf que le pilote ne se trouve pas à bord. Les modes automatiques du système ont trait au vol (pour une meilleure sécurité aérienne), notamment lors de la perte du datalink (réactions pré-programmées lors de la préparation de la mission) ou lors des phases de décollage et d’atterrissage (utilisation d’un système automatique de décollage et atterrisage) ou encore à l’exploitation des senseurs (comme par exemple par le marquage automatique des véhicules en movement dans la zone de recherche). Bien à vous, Luc

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