Un niveau d’ambition à la baisse mais une préparation très performante pour la Composante Air

Le C-130 belge a effectué sa dernière opération autonome au Mali entre 2018 et 2019 (crédit-photo BE Défense)

Un niveau d’ambition à la baisse mais une préparation très performante pour la Composante Air selon un rapport de la Cour des Comptes.

La Cour des Comptes a rendu public un rapport rédigé en 2019 sur la capacité d’engagement de la Composante Air après avoir effectué un audit en 2018. Le rapport se focalise sur les trois types d’appareils principaux utilisés au sein de la Composante Air: C-130, F-16 et NH-90.

Une flotte de C-130 très sollicitée pour les opérations

Le cas du C-130 est particulier puisque la flotte est retiré progressivement du service et donc le niveau d’ambition a été revu à la baisse. Entre 2014 et 2019, la Composante Air n’a engagé un C-130 en opération à l’étranger qu’au Mali durant un an entre mai 2018 et mai 2019. Malgré leur vieillissement, il n’en reste pas moins que les C-130 affiche un taux de disponibilité de 36% contre les 46% visés en 2017 mais il devient de plus en plus dur à la Défense d’avoir quatre appareils opérationnels. Durant la période 2015-2017, 82% des vols du C-130 était consacré à des missions soit le plus fort taux par rapport aux autres systèmes d’armes analysés. En mai-juin 2017, toute la flotte a été clouée au sol à la suite de problèmes et cette année-là, le plan de vol n’a pu être exécuté qu’à 80%. L’entretien des appareils reste compliqué car les pièces de rechange sont de plus en plus difficiles à trouver et certaines sont même parfois défectueuses d’où une plus grande précaution lors des entretiens.La réussite de la transition vers l’A400M sera cruciale pour la Composante Air afin d’avoir une continuité dans ses missions de capacité de transport.

La prolongation de l’opération Desert Falcon en 2017 a eu des incidences sur l’entraînement (crédit-photo BE Defence)

Une disponibilité en baisse pour la flotte vieillissante des F-16

Le F-16 affiche pour l’instant un taux de disponibilité correct et suffisant avec une moyenne de 60% mais le vieillissement de la flotte fait que les pannes sont de plus en plus récurrentes et que la tendance est négative. Début 2019, la faible disponibilité des appareils a entravé l’exécution du plan d’entraînement des pilotes. La perte récente d’un F-16 en septembre dernier ne va pas améliorer la disponibilité de la flotte. Depuis 2013, le nombre de F-16 pouvant être déployés pour des missions de longue et moyenne-courte durée a clairement baissé passant de 16 appareils en 2016 à 10 appareils en 2017. Néanmoins s’il est possible pour la Composante Air d’engager des F-16 dans opérations de longue durée, cela a une incidence sur l’opérationnalité future. La prolongation de l’opération Desert Falcon de juillet à décembre 2017 à cause de l’impossibilité des Pays-Bas de reprendre la mission a entraîné la suppression de tous les exercices durant le second semestre 2017 d’où l’avis négatif émis par la Défense sur cette prolongation. La Composante Air a donc décidé en 2018 d’effectuer une année de régénération avec un entraînement extrêmement intensif en vue de rattraper le déficit d’entraînement des dernières années. Cependant le rapport indique que les F-16 belges possèdent le nombre annuel d’heures de vol par appareil le plus élevé dans le monde. Le nombre d’appareils opérationnels baisse et par là-même le niveau d’engagement opérationnel alors que le niveau d’ambition de l’OTAN s’accroît. Le rapport note toutefois que d’autres pays sont confrontés à ce déséquilibre avec des demandes croissantes et des déploiements plus fréquents et plus longs ce qui a une incidence sur l’entraînement et la préparation des missions futures.

Transport d’une pièce d’artillerie par un NH-90 durant l’entraînement du SOR à Otterburn (crédit-photo BE Defense)

La situation complexe de la flotte des NH-90

La situation de la flotte des NH-90 est plus complexe puisqu’elle se répartit entre la version terrestre et la version maritime. Les NH-90 sont loin encore de donner entière satisfaction avec un taux de disponibilité d’environ 30%. Les hélicoptères NH-90 en version terrestre sont néanmoins ceux qui ont quasiment réalisé le plus d’heures de vol de tous les NH90 dans le monde alors qu’ils sont arrivés plus tardivement que dans d’autres pays. Même constat pour les NH-90 en version marine qui, malgré une mise à jour plus longue des systèmes de 18 à 21 mois, ont effectué plus d’heures de vol par appareil que la moyenne internationale. La gestion des pièces de rechange est également performante avec une nouvelle forme d’externalisation via le constructeur. Cette externalisation a permis à la Belgique d’avoir la priorité et donc de devoir attendre moins longtemps pour recevoir des pièces de rechange.

De mars à juin 2018, la Belgique a déployé 2 NH-90 au Mali au sein d’un contingent allemand (crédit-photo Daniel Orban/BE Defense)

L’incidence de l’engagement au sein de la Minusma

En 2018, la Composante Air a engagé deux NH-90 de version terrestre pour une période de six mois au Mali. Cet effort, qui a permis à la Minusma de continuer à disposer d’hélicoptères, a eu des incidences sur la montée en puissance des appareils. La faible disponibilité des appareils causée par des inspections et entretiens supplémentaires après le retour du Mali a a également empêché la réalisation du plan de vol complet et causé une réduction des entraînements. Cette situation a eu des effets au-delà de la Composante Air : 6 des 22 entraînements planifiés avec la Composante Terre en Belgique ont été annulés début 2018, ce qui a eu directement des répercussions négatives sur la formation du Special Forces Group. Les incidences se sont fait sentir aussi en 2017 dans le cadre de la préparation à cette mission. C’est dû au fait aussi que la Belgique ne possède qu’une flotte réduite de quatre hélicoptères.

Le NH-90 de version marine a repris la totalité des missions SAR du Sea King en 2019 (crédit-photo BE Défense)

La flotte des NH-90 de version marine sous tension

La flotte des NH-90 de version marime est encore plus sous tension. Ces quatre hélicoptères doivent assurer des missions SAR (Search and Rescue) mais aussi des missions MAR (appui à la Marine). À l’origine, la vision stratégique a donné la priorité à la mission MAR. Après analyse de la possibilité d’externaliser la mission MAR, la priorité a ensuite été accordée à la montée en puissance du NH-90 pour les missions SAR. Le développement simultané des niveaux d’ambition SAR et MAR entraîne des changements de priorités et l’adaptation fréquente des calendriers. La préparation au niveau d’ambition MAR implique l’embarquement du NH-90 sur une frégate. Or, il est très difficile de réaliser un embarquement de longue durée en raison de la disponibilité limitée des appareils. Le rapport note également que la Défense part du principe que seulement trois appareils sur quatre seront disponibles en moyenne ce qui fait qu’il y aura immédiatement de grandes conséquences en cas d’une panne inopinée ou de l’absence d’un pilote. C’est pourquoi la Défense estime dès lors qu’au moins un appareil supplémentaire est nécessaire pour pouvoir atteindre le niveau d’ambition FOC à la fois pour les missions SAR et les missions MAR. Une solution pourrait venir du Luxembourg selon les données du rapport. En mars 2018, les ministres belge et luxembourgeois de la Défense ont signé une déclaration d’intention concernant l’achat par le Luxembourg de deux NH-90 de version terrestre et d’un NH-90 de version marine qui seraient gérés par la Défense belge. La livraison de ces appareils est attendue pour 2022 au plus tôt.

Les pilotes d’hélicoptères sont les plus touchés par la baisse (crédit-photo Daniel Orban/BE Défense)

Pas de déficit grave de pilotes malgré une tendance à la baisse

Au début de l’année, le député CD&V Veli Yüksel s’était inquiété de la baisse du nombre de pilotes au sein de la Composante Air. Ce rapport conforte cette analyse et estime qu’il est devenu de plus en plus difficile d’attirer des candidats. L’incertitude concernant le débat sur les pensions et la demande croissante de pilotes dans l’aviation civile entraînent des départs anticipés, analyse le rapport. En moyenne, durant la période 2013-2016, 5 % de la population totale de pilotes ont quitté la Défense par an. Ce pourcentage a connu un pic à 15 % en 2017 avant de redescendre à 8 % en 2018. Vu la tendance à la baisse du nombre d’appareils, il n’y a pour l’instant pas de déficit grave de pilotes au sein de la Défense. Les autres postes sous tension sont ceux des techniciens et des contrôleurs aériens.

Ce rapport note que le niveau d’ambition de la Composante Air a été revu à la baisse à plusieurs reprises ces dernières années en vue de se conformer de manière plus réaliste aux moyens disponibles, une situation identique somme toute à la Défense de manière générale. En revanche il note qu’en matière de préparation, elle a été très performante en ce qui concerne le nombre moyen d’heures de vol par appareil avec une utilisation des heures de vol de manière efficiente. La Composante Air donne la priorité aux opérations tout en essayant de limiter autant que possible l’incidence sur le niveau d’entraînement des pilotes. Dans sa globalité, le rapport souligne la bonne gestion de la Composante Air malgré les difficultés.

Rapport de la Cour des Comptes sur la Composante Air

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