Une position commune sur l’interdiction des systèmes d’armes létaux entièrement autonomes se précise au Parlement

La question des systèmes d’armes létaux entièrement autonomes est un sujet d’attention pour les parlementaires belges

Une position commune sur l’interdiction des systèmes d’armes létaux entièrement autonomes se précise au Parlement.

Deux propositions de texte en vue de réglementer les « robots tueurs » ou « systèmes létaux autonomes » ont été déposées à la Chambre des représentants lors de la législature actuelle. La première est une proposition de loi, déposée par Vooruit le 13 septembre 2019 et cosignée par le Parti socialiste, dont le but initial était d’interdire les « robots tueurs ». La seconde est une proposition de résolution, déposée par le groupe Ecolo-Groen le 23 juin 2021 et visant à ce que le gouvernement fédéral soit proactif sur la scène internationale afin de faire aboutir un traité sur l’interdiction de ce type d’armes. Des débats ont déjà lieu sous la précédente législature. Le rapport de force politique de l’époque avait donné l’avantage à la proposition de résolution de la N-VA, cosignée, après amendements, par le MR, l’Open VLD et le CD&V. L’ambition n’était pas d’aboutir à l’élaboration d’un cadre règlementaire contraignant, contrairement aux propositions actuelles, mais d’ouvrir un espace de réflexion.

Bien qu’il ait été décidé de ne pas joindre les deux textes actuellement en discussion, les auditions et débats parlementaires s’effectuent sur une base commune, ceux-ci étant complémentaires selon leurs auteurs respectifs. Reste à définir ce que recouvre le terme « robot tueur » et le degré d’autonomie auquel il fait référence.

Lors des auditions du 10 novembre 2021 devant la commission Défense nationale, le major Dirk Naessens (ACOS STRAT) remit en cause l’expression de « robots tueurs », qui n’aurait aucune valeur juridique et ne couvrirait donc aucune réalité concrète. De plus, il existerait une confusion entre les systèmes d’armes létales autonomes (SALA) et les drones, armés ou non. Il insista sur le fait que l’autonomie actuelle des drones ne concernait pas les fonctions critiques, à savoir la sélection, la détection et l’engagement des cibles. Peu après le dépôt de la proposition de résolution Ecolo-Groen, la N-VA sembla s’émouvoir d’une telle confusion et introduisit une proposition de résolution visant, notamment, à armer les drones belges. Cependant, la proposition fut balayée par les membres de la majorité lors d’un vote en commission. Bien que la question de l’armement des drones semble toujours ouverte au sein de la majorité, Jasper Pillen (Open Vld) y étant ouvertement favorable, et que les experts académiques soutiennent de tels développements, celle-ci mérite un débat distinct.

Or, il semblerait que la confusion des débats émane également des propos de cosignataires des textes actuellement en discussion. Lors de la séance d’auditions du 10 novembre 2021, Christophe Lacroix (PS) faisait référence au texte sur les drones armés déposé par la N-VA et évoquait la nécessité de tenir un tel débat. Néanmoins, il disait que « même si le drone armé n’est pas une arme autonome au sens de la définition la plus couramment utilisée, il n’en reste pas moins vrai que la vision de l’homme ou de la femme à travers le drone est une vision à travers une machine, et à travers des capteurs de machine. Et donc, par rapport à la reconnaissance faciale, ça veut dire que l’autonomie humaine, de décision finale est quand même contrainte à un moment donné par la résolution technologique ou par la manière dont la machine voit cette réalité». Ainsi, les discussions autour des SALA et des drones armés seraient intrinsèquement liées puisqu’un certain degré d’autonomie serait inhérent à ces derniers.

Le mois de mars 2023 fut témoin d’une accélération substantielle des discussions autour de ces propositions, des amendements ayant été déposés pour chacune. La majorité, à l’exception du MR, semble converger sur l’aboutissement d’une proposition de résolution. En effet, l’ensemble des amendements déposés pour ce texte ont été cosignés par 6 des 7 partis de la majorité. En parallèle, seuls les cosignataires de la proposition de loi ont déposé des amendements sur ce texte. Cette dernière n’est donc pas le fruit d’un compromis politique et transpose uniquement le point de vue des auteurs (Vooruit-PS). Un consensus a finalement abouti sur l’expression à utiliser. La dénomination « Systèmes d’armes létaux entièrement autonomes » remplacerait l’expression vide de toute substance juridique de « robots tueurs » et représente l’avantage de ne laisser aucune ambiguïté sur le degré d’autonomie visé par l’interdiction. Les amendements de chacune des proposition consacrent la nouvelle formulation. Cependant, il existe une différence fondamentale entre les textes. Les auteurs de la proposition de résolution évoquent la définition de la Croix-Rouge qui « définit le système d’armes autonomes comme étant tout système d’armes dont les fonctions critiques sont autonomes » tandis que les auteurs de la proposition de résolution évoquent également la définition du Comité international de la Croix-Rouge mais dans sa version anglophone : « Any weapon system with autonomy in its critical functions ».

La second expression est effectivement plus équivoque que la première, puisqu’elle ne vise pas les armes qui sont autonomes sur leurs fonctions critiques, expression qui impliquent qu’elles le seraient entièrement, mais une arme dont les fonctions critiques contiendraient de l’autonomie, sans en définir le degré. Ainsi, l’amendement N°2 de la proposition de loi vise à remplacer les mots « robots tueurs » par « systèmes d’armes létaux entièrement autonomes », tandis que l’amendement N°3 vise à définir cette expression en se basant sur la version anglophone de la définition du CICR, elle-même équivoque sur le degré d’autonomie. De plus, la formulation « en tirets » de l’article 1er/1 pourrait semer le doute : faut-il qu’un seul des deux critères soit rempli pour appliquer une interdiction ? Autrement formulé, un système d’arme comprenant une forme d’autonomie dans sa capacité de sélection, de recherche, d’identification ou de détection – mais pour lequel la capacité d’engagement dépendrait d’une décision humaine – pourrait-il être touché par une telle interdiction ? Le serait-il également s’il existe des renseignements suffisants sur la nature de la cible par exemple ? Selon l’approche large de la définition, et à la lumière du questionnement de Christophe Lacroix sur l’inhérence d’un certain degré d’autonomie des drones armés, ces derniers pourraient-ils être systématiquement concernés par une telle interdiction ?

Par le passé, la Belgique a joué un rôle pionnier en matière d’interdiction de certains types d’armements. L’avant-gardisme belge a permis l’émergence de la convention d’Ottawa de 1997 sur l’interdiction des mines antipersonnel et la convention d’Oslo de 2008 sur l’interdiction des armes à sous-munitions. Les deux fois, le processus commença par l’adoption d’une loi à l’échelon national. Toujours est-il qu’aucun autre acteur ne s’est encore joint à l’actuelle proposition de loi, tandis que 6 des 7 partis de la majorité sont cosignataires des amendements de la proposition de résolution.

Un commentaire

  1. Il y a des systèmes totalement autonomes depuis la deuxième guerre mondiale (incluse).
    Je pense entre autres aux torpilles larguées (mk28), une fois armée, personne ne peut intervenir.

    Les canons non offensifs de l’entre deux guerres et autres idèes pacifistes semblent n’avoir vacciné personne. Les traités sont exploités par les dictatures.

    Les soldats belges (européens) peuvent être jugé par des magistrats indépendants en cas de bavure. C’est ça qui fait la différence entre l’usage de la violence légitime par une démocratie vis à vis d’une dictature.

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