Volet Défense de l’Arizona : premier face-à-face entre le ministre Francken et les députés

Le MOD Theo Francken défend le volet Défense de la déclaration du gouvernement à la Chambre (Crédit-photo : Photo issue de la retransmission en streaming)

Volet Défense de l’Arizona : premier face-à-face entre le ministre Francken et les députés

Après huit mois de négociations et plus de quarante heures de discussions à la Chambre, la confiance parlementaire a finalement été accordée à la coalition Arizona. Les débats permirent au nouveau ministre de la Défense Theo Francken (N-VA) d’apporter quelques éclaircissements concernant le volet Défense de l’accord de majorité.

Contexte sécuritaire et résilience nationale

Le texte identifie clairement l’invasion russe de l’Ukraine et la « guerre hybride » menée par la Russie à l’Europe comme menaces principales pour notre sécurité. En opposition aux relents relativistes de l’ère Dedonder, le nouveau gouvernement identifie le comportement russe comme une menace « aigüe » et trace une trajectoire bien plus ambitieuse pour les investissements de défense. L’Arizona souhaite atteindre 2% du PIB en 2029, et 2.5% en 2034. Au-delà de cet objectif caduc, la véritable originalité de cet accord réside dans son approche de la résilience nationale, avec une mention explicite à l’article 3 du Traité de Washington, qui semble constituer le fil rouge de ce volet Défense. L’ambition est d’accroître la résilience de la société toute entière, en établissant « une nouvelle culture de la sécurité », par une « approche pansociétale ». Une page entière de l’accord est dédiée à la protection des infrastructures critiques sur le territoire national et en mer du Nord, avec une insistance explicite sur un renforcement des capacités de lutte contre les mines, de la mise en place d’une défense aérienne ou encore du renforcement de nos capacités dans le domaine cyber. L’incarnation la plus marquante de cette approche repose sur la création d’une réserve de défense territoriale, dont le cadre juridique devra clairement être défini pour, notamment, permettre un déploiement statique sur certains cibles sensibles sur le territoire national.

Article 3 du Traité de l’Atlantique Nord

L’Alliance Atlantique Nord reste la pierre angulaire d’une défense collective mais les partenaires de l’Arizona rendent bien compte de la nécessité d’accroître l’autonomie stratégique de l’Union européenne. Plus encore, la nouvelle coalition insiste sur la coopération Benelux dans le cadre du développement, de l’acquisition et du déploiement de capacités. De manière générale, l’ambition est d’accroître la standardisation des systèmes d’armes et la passation commune de marchés avec les partenaires européens. Pour ces raisons, l’accord de majorité prévoit de favoriser – en coopération avec les entités fédérés – la participation d’industries de défense belges à des programmes européens phares, avec un focus sur le retour technologique et industriel.

2% du PIB pour 2029 ?

Dans ses explications face aux parlementaires, Theo Francken fournit certaines précisions quant à la provenance de ces nouveaux budgets de défense pour atteindre les 2% d’ici la fin de la législature. Le ministre considérant – à la grosse louche – que l’effort de défense belge serait actuellement d’environ 8 milliards d’euros, il conviendrait donc de trouver 4 milliards d’euros supplémentaires pour parvenir aux 12 milliards d’euros annuels, nécessaires pour atteindre ces 2%. Dans le tableau budgétaire communiqué aux députés, 996 millions d’euros sont budgétisés en 2029, dont 596 serviraient à rattraper – cette année-là – le sous financement du Plan STAR. Aussi, l’accord de majorité prévoit la création d’un Fonds de Défense  « en tant que filiale spécialisée de la SFPIM », qui selon le ministre, serait alimenté de 2,4 milliards d’euros. L’arrêté royal portant sa création devrait voir le jour dans les « semaines ou mois qui suivent ». Enfin, 600 millions d’euros seraient à « chercher ailleurs », dans les dépenses effectuées dans d’autres départements ou par les entités fédérées et contribuant de facto à l’effort de défense. Entre autres, l’accord de gouvernement prévoit un plan d’enablement et de mobilité militaire – auquel les entités fédérés participeraient « pour ce qui relève de leurs compétences ». Cette dernière dimension fait une nouvelle fois écho à l’approche pansociétale, tout en renvoyant à la fébrilité du budget fédéral.

Malgré les explications, certaines zones d’ombre demeurent. Tout d’abord, la base de 8 milliards d’euros d‘effort de défense sur laquelle s’appuie le ministre est discutable. La Cour des comptes évoque un effort de défense de 7 milliards d’euros pour 2024. L’aide militaire à l’Ukraine (1,2 milliards d’euros en 2024) a effectivement permis d’atteindre cette somme pour l’année 2024 mais le financement de cette dernière n’est pas garantie pour l’année en cours. « Il n’est pas certain qu’en 2025, l’Etat belge puisse encore considérer ces recettes supplémentaires comme siennes », dixit l’ancienne secrétaire d’Etat au budget Alexia Bertrand, lors des discussions autour du projet de loi finance pour le premier trimestre de 2025. Bien que ce dernier prévoit des dérogations budgétaires en faveur de la Défense, le fonctionnement par douzièmes provisoires ne permet pas d’établir une projection budgétaire claire pour l’année 2025. La base de 8 milliards d’euros évoquées est donc à prendre avec des pincettes.

L’autre inconnue réside dans la pérennité du Fonds de Défense, « alimenté par le transfert de participations sélectionnées ». Pour atteindre l’effort de défense de 12 milliards d’euros évoqué par le ministre, il faudrait trouver 4 milliards d’euros supplémentaires chaque année. Ainsi, selon le calcul mentionné ci-dessus, ce Fonds de Défense devraient être alimenté à hauteur de 2,4 milliards d’euros sur une base annuelle. Or, les députés de l’opposition s’inquiètent d’un approvisionnement qui serait issu de la vente d’actifs de l’Etat belge. La mesure ne permettrait alors qu’un approvisionnement unique, là où des recettes régulières seraient nécessaires.

Investissements et capacités

L’accord prévoit une actualisation de la Vision stratégique et de la loi de programmation militaire. Lors des discussions à la Chambre des représentants, le ministre de la Défense a déclaré vouloir la faire aboutir avant le prochain sommet de l’OTAN à La Haye, en juin 2025. L’Arizona souhaiterait également simplifier les procédures de passation de marchés publics en modifiant la législation applicable aux contrats de défense.

Outre la reconstruction des stocks de munitions pour garantir l’état de préparation de l’armée, le nouveau gouvernement a également annoncé l’achat prochain de matériels majeurs. Il s’agit d’un système de défense aérienne à plusieurs niveaux, d’avions de chasse supplémentaires, d’avions de transport plus petits, d’une flotte d’hélicoptères opérationnelle, d’une troisième frégate, de drones supplémentaires et armés, d’outils de lutte contre les mines, de moyens pour pouvoir mener une guerre électronique, ou encore du renforcement de la brigade motorisée actuelle. Le gouvernement souhaite diversifier les plateformes en y ajoutant des capacités de longue portée (« Deep strike » / MLRS). L’ambition serait également d’établir une deuxième brigade « à la disposition de l’OTAN », cette ligne visant à répondre – sans cadre clair – « aux objectifs définis par le NATO Defense Planning Process (NDPP) », comme l’indique judicieusement Nathan Gain, de Forces Operations Blog.

Bien entendu, toutes ces capacités nécessitent du personnel compétent et en suffisance. Les acteurs de la majorité ambitionnent de faire croître les effectifs du département tout en se gardant d’une projection qui irait au-delà de l’objectif de « 29 100 collaborateurs d’ici 2030« , tel que déjà exprimé dans le Plan STAR. Bien que le bilan de l’ex ministre de la Défense Ludivine Dedonder soit plutôt bon en matière de recrutement, de nombreux défis persistent, notamment pour conserver le personnel dans les rangs de la Défense, particulièrement pendant la « phase initiale ».

Réforme des pensions et attractivité

Lors de la présentation de la déclaration, les députés de l’opposition se sont notamment inquiétés de la réforme des pensions, prévoyant un alignement de l’âge de la retraite des militaires sur celui des autres métiers. La fin de ce régime d’exception avait d’ailleurs été vivement critiqué par le haut commandement de l’armée lors de la fuite de la super nota du formateur Bart De Wever. Outre les préoccupations sur l’efficacité d’une telle mesure, l’inquiétude réside dans l’éventuel impact sur l’attractivité de la carrière militaire. Le Ministre tente de rassurer et évoque des « mesures complémentaires » pour assurer la progressivité de cet allongement de la carrière militaire, sans donner plus de précisions. Il se déclare également sensible à la nécessité de revoir le salaire des militaires et espère trouver « un bon accord social ».

Un sous-chapitre du texte est consacré au personnel, avec une attention déclarée pour l’attractivité des métiers de la Défense, notamment des « postes de combat et des profils techniques« . L’intention est également d’augmenter le nombre d’instructeurs. Un masterplan sera établi, définissant les investissements en matière d’infrastructures. Le dossier du Quartier du futur Nord, en Flandre orientale, sera prioritaire.

Toutes ces propositions doivent encore être détaillées. La note de politique générale – qui devrait être présentée en commission Défense d’ici quelques semaines – apportera probablement quelques précisions supplémentaires.

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