[Vigilant Guardian ] Pourquoi le militaire belge préfère-t-il patrouiller au Mali plutôt qu’à Bruxelles ?

Des Chasseurs Ardennais en patrouille au Mali (photo Fraternelle des Chasseurs Ardennais)
Des Chasseurs Ardennais en patrouille au Mali (photo Fraternelle des Chasseurs Ardennais)

Mali ou Bruxelles ? Suite à la publication d’une série d’articles de la DH sur la mission des militaires belges au Mali, la question a fait débat pour certains internautes, révélant une différence d’appréciation entre le militaire et le citoyen lambda. Elle révèle aussi un basculement de la mission même du militaire. Alors que certains pensaient que l’opération Vigilant Guardian allait rapprocher les militaires de la population civile, la réalité est peut-être tout autre mais aussi par la faute des politiques.

L’incompréhension du citoyen non-averti

Fabien, militaire belge au Mali, déclare dans une interview à la DH : « Patrouiller ici plutôt qu’à Bruxelles, c’est ça mon vrai travail. » Cette phrase, choisi comme titre d’accroche, n’a pas manqué de faire réagir certains internautes. « Patrouiller au Mali plutôt qu’à Bruxelles ! J’avais lu que ceux qui patrouillaient en Belgique se plaignaient qu’ils étaient trop loin de chez eux ? Décidément la logique militaire m’échappe ! De plus le vrai boulot d’un soldat ne serait-il pas de défendre son pays et pas celui des autres ! » « Au Mali, ils touchent une prime, à Bruxelles que dalle », peut-on lire entre autres parmi toutes les remarques acerbes ici et là. En gros, les militaires préfèrent aller en OPEX parce qu’ils touchent plus d’argent. Il n’est pas rare d’entendre des inepties sur la rémunération et les « avantages » des militaires… En gros, les militaires seraient des mercenaires grassement payés. En France, certains s’imaginent toujours que les militaires ne payent pas d’impôts ! Si le métier de militaire était si lucratif et plein d’avantages, cela se saurait et les centres de recrutement crouleraient de demandes. La fin du service militaire était sans aucun doute inévitable mais du coup, la réalité du métier de militaire échappe à beaucoup de gens éloignés de l’armée. Il y a fort à parier que si certains avaient des proches dans l’armée, leur discours serait différent et il verrait que la réalité du métier de militaire a changé depuis bien des années.

Militaires et policiers patrouillent ensemble dans le cadre de l'opération Vigilant Guardian
Militaires et policiers patrouillent ensemble dans le cadre de l’opération Vigilant Guardian

L’OPEX est devenu la base du métier de militaire aujourd’hui

De plus la population civile a toujours du mal à appréhender la réalité qu’énonce le colonel Thierry Hinnekens dans une interview à la DH : « On ne défend pas son pays en restant au pays. » La mondialisation a changé la donne tout comme la nouvelle façon de faire la guerre et les nouvelles réalités géopolitiques. L’OPEX (opérations extérieures) est devenu la base du métier de militaire même si l’armée doit toujours se préparer à toute éventualité. Quand un jeune s’engage dans l’armée, il sait qu’il va un jour devoir partir pour plusieurs mois à l’étranger. En revanche, il ne peut s’attendre à devoir faire continuellement par intermittence la sentinelle devant un bâtiment public ou dans le métro sans aucune perspective de date de fin de mission. Renouvelée chaque mois, l’opération Vigilant Guardian est devenue routinière mettant gravement en péril l’opérationnalité de l’armée belge comme on a déjà pu l’évoquer. C’est sans compter les autres difficultés rencontrées. Alors certes la Défense a saisi l’opportunité de valoriser son travail auprès des citoyens comme le souligne ce même Fabien : « ils ont remarqué que l’armée est prête, l’armée est équipée, l’armée est là, elle ne se la coule pas douce dans les casernes. », mais en même temps elle a brouillé la frontière entre les missions de police et les missions de l’armée. Du coup, la population a dû mal à saisir véritablement le véritable rôle de l’armée et ce coup de projecteur n’a pas forcément que du bon, il faut bien le reconnaître. Qui est-ce qui loue le travail des militaires dans la rue ? Une partie de la population de bonne foi, des anciens militaires ou des proches des milieux militaires qui s’intéressent à l’armée ou qui ont quelqu’un dans l’armée.  La doxa : le militaire doit tout supporter et il n’a pas à se plaindre, reste toujours d’actualité.

L'armée belge a été réquisitionnée pour suppléer les gardiens de prison au mois de mai dernier.
L’armée belge a été réquisitionnée pour suppléer les gardiens de prison en grève au mois de mai dernier.

La responsabilité des politiques 

Il ne faut pas nier que les politiques ont une responsabilité dans cette méconnaissance du métier de militaire qui frise le mépris parfois et cette incompréhension, la Défense étant devenue une véritable variable d’ajustement selon leur bon vouloir. Le drame social et humain des fermetures de casernes, les pertes d’emploi n’ont fait sourciller personne à part les syndicats et les villes concernées. Pire le militaire est devenu de la main-d’œuvre bon marché qu’on sollicite quand on n’a plus de solution : sentinelle dans la rue en renfort de la police, aide humanitaire dans les prisons belges pendant la grève des gardiens de prison, protection des centrales nucléaires. Il est devenu le pompier de service, ne pouvant plus se concentrer sur ses missions principales et s’y préparer. Depuis janvier 2015 et le début de l’opération Homeland devenue ensuite Vigilant Guardian, le 1er ministre Charles Michel est venu une fois à la rencontre des militaires belges dans leurs casernes pour les remercier de leur engagement. C’était le 13 février 2015, depuis plus rien ! Seul le ministre Vandeput se montre mais en tant que ministre de la Défense, il est plus que dans son rôle. Comment les citoyens lambda pourraient-ils avoir de la considération pour le travail des militaires si les politiques, eux-mêmes, n’en sont pas capables ? Cela paraît difficile d’autant plus que ce n’est pas une opération contestée qui va y parvenir. Paradoxalement, c’est un footballeur belge qui a rendu un bel hommage aux militaires et aux policiers belges pour leur travail. Comme quoi tout arrive !

On peut aisément comprendre que le militaire belge préfère patrouiller au Mali qu’à Bruxelles. C’est une évidence pour un public averti, cela l’est moins pour beaucoup d’autres et on ne peut pas les blâmer. Il y a encore du travail à faire pour une meilleure considération du travail effectué par l’armée. Certains préjugés ont la vie dure. Ce billet est l’occasion de rendre hommage à ceux qui patrouillent à Bruxelles, au Mali pour contribuer à une meilleure protection et accomplissent leur mission avec fierté !

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