Le bataillon 1/3 Lanciers, unité d’infanterie vers un retour à ses origines de cavalerie

La cavalerie belge en 1918 (crédit-photo IPR 1/3 Lanciers)

Le bataillon 1/3 Lanciers, unité d’infanterie vers un retour à ses origines de cavalerie.

Le 1/3 Lanciers n’est sans doute pas l’unité la plus connue du Camp Roi Albert à Marche-en-Famenne, le nom des Chasseurs Ardennais étant évoqué plus facilement. C’est pourtant l’un des cinq bataillons de manœuvre, fers de lance de la Brigade Motorisée. Relocalisation d’un escadron à Tournai, changement de doctrine à l’horizon 2027 ou bien encore déploiement en Roumanie dans un délai très court, le 1/3 Lanciers se retrouve au cœur de l’actualité de l’évolution et des opérations de la Défense belge.

Le bataillon nous a ouvert ses portes et nous avons pu rencontrer plusieurs cadres importants pour nous expliquer en détails l’essence du bataillon, son action et son développement. « Vaillant de Le Burch-Comme à Orsmael, je tiens », reportage au cœur du 1/3 Lanciers à Marche-en-Famenne et Tournai.

Aux origines de la cavalerie belge

L’origine de la cavalerie belge actuelle remonte à l’époque napoléonienne. Alors rattachée aux Pays-Bas, la Belgique sert de barrière avec la France. En février 1814, le duc de Saxe-Weimar, gouverneur général de la Belgique, publie un arrêté organisant l’état militaire dans le pays.  Le 13 février 1814, le comte Charles-Albert van der Burch lève un régiment de Chevau-légers à la caserne des Annonciades à Bruxelles. En juin 1815, il devient le 5ème régiment de dragons légers et participe à la bataille de Waterloo tout comme le 2ème régiment de carabiniers. Au moment de l’indépendance de la Belgique, le 5ème dragons devient le 1er régiment de Lanciers tandis que le 2ème régiment de carabiniers devient le 1er régiment de Cuirassiers. Ce dernier change à nouveau de dénomination en 1863 pour celui de 3ème régiment de Lanciers.

Ces deux unités participent à la guerre de 14-18. Le 3ème régiment de Lanciers s’illustre notamment avec la défense du pont-route d’Orsmael-Gussenhoven le 10 août 1914. Sa défense héroïque malgré son infériorité numérique face aux cavaliers de la 2ème Division de Cavalerie allemande retarde l’avancée ennemie d’une dizaine de jours. Le lieutenant comte van der Burch fait partie des tués du combat.

Un Sherman M4 du 3ème Lanciers (crédit-photo 1/3 Lanciers)

Après la Seconde Guerre mondiale, le 1er régiment de Lanciers devient un régiment de reconnaissance en mai 1946. En 1950 sous l’impulsion de la guerre de Corée, le gouvernement belge approuve la création d’une brigade blindée qui comprendra quatre régiments de chars, dont font partie le 1er Lanciers et le 3ème Lanciers, qui est recréé. Un an plus tard, cette brigade est élevée au niveau de division : la 16ème division blindée. Les deux unités sont installées en RFA (République Fédérale Allemande). En 1969, une restructuration voit la suppression de plusieurs régiments dont le 3ème Lanciers, ses traditions étant reprises par le bataillon d’instruction de l’École des troupes blindées. Le 1er octobre 1973, le 3ème Lanciers est réactivé par une opération blanche suite à la réarticulation des cinq bataillons d’active Léopard et la création d’un sixième. En février 1979, il s’installe à Spich et passe sous commandement de la C Recce. En septembre 1980, le 1er Lanciers quitte Düren pour rejoindre Marche-en-Famenne.

Le char Léopard qui équipait les régiments de Lanciers (crédit-photo IPR 1/3 Lanciers)

Vers la disparition de la cavalerie et d’une capacité de chars

Les années 90 avec l’implosion du pacte de Varsovie est le début des grandes restructurations avec la disparition progressive de la cavalerie. Le 30 avril 1992, le 3ème Lanciers est à nouveau dissous et confie son étendard à l’escadron Recce para-commando, qui prendra l’appellation d’escadron 3ème Lanciers parachutistes. En 1994, il déménage à Flawinne et absorbe la compagnie antichars para-commando pour former un bataillon de reconnaissance de la brigade para-commando (3 L Para). En 2001, le plan de modernisation de l’armée du ministre de la Défense André Flahaut, approuvé par le gouvernement en mai 2000, se met en place. Le 3 L Para perd l’escadron B et l’escadron A restant s’articule en 3 pelotons de 2 sections sur jeeps armés. Le 5 février 2003, il est officiellement dissous lors d’une parade organisée à Flawinne. Son étendard est confié au 1er Lanciers. Les deux unités fusionnent officiellement le 12 septembre 2003 lors d’une parade à Marche-en-Famenne.

Devenu unité d’infanterie, le bataillon a été équipé de Piranha (crédit-photo IPR 1/3 Lanciers)

Le plan de décembre 2003 change à nouveau l’organisation de la Composante Terrestre, les 1/3 Lanciers et 2/4 Lanciers devenant des unités de combat médian dotées d’une capacité de feu d’un calibre de 90mm, les futurs Piranha. Il marque la fin du char au sein de l’armée belge. Les chars Léopard du 1/3 Lanciers effectueront leur dernier exercice à Bergen le 23 octobre 2013. En 2010, le régiment devient un bataillon d’infanterie motorisé, qui obtient sa certification OTAN en 2014. Le 1/3 Lanciers est rattaché à la Brigade Médiane devenue la Brigade Motorisée en 2018.

Le Piranha DF90 est le véhicule blindé le plus lourd (crédit-photo IPR 1/3 Lanciers)

Des traditions de cavalerie toujours présentes

Aujourd’hui le bataillon 1/3 Lanciers continue de garder ses traditions de cavalerie. « Nous fêtons toujours la Saint-Georges. En infanterie, on parle de compagnie mais nous, nous avons des escadrons (ndlr : le bataillon de Chasseurs à cheval ou ISTAR a aussi cette dénomination en tant que dernière unité de cavalerie). C’est pareil pour les grades. On n’a pas de sergent-chef mais un maréchal des logis-chef », explique le chef de corps du 1/3 Lanciers, le lieutenant-colonel Didier Plas. La cavalerie et l’infanterie ont deux doctrines différentes. En cavalerie, les militaires sont montés à bord de véhicules tandis que l’infanterie occupe le terrain en débarqué. Le passage à une unité d’infanterie en 2010 a donc nécessité un changement de doctrine et une adaptation. Pudiquement, certains appellent encore parfois les Piranha des « chars » mais de fait, ce ne sont que des véhicules blindés. Chaque escadron (A,B et C) est organisé en deux pelotons fusiliers (fus) et un peloton Direct Fire, équipé de Piranha DF90 et de Piranha DF30. « Chaque escadron a une configuration miroir. Dans un exercice, il peut y avoir un mixte. Il y a une bonne entente entre les escadrons avec pas mal de coordination. On répond présent si un autre escadron ne peut pas. », développe le capitaine Denis, commandant de l’escadron A qui assure justement la fonction de réserve pour l’escadron B déployé en Roumanie. Le 1/3 Lanciers a également un escadron état-major et service (EMS), qui comprend entre autres un détachement instruction, un peloton éclaireur et un détachement sniper. Le dernier escadron est l’escadron D, celui qui comprend les hommes de la réserve opérationnelle. A effectif plein, le bataillon devrait compter 546 hommes mais le nombre actuel se situe plutôt autour de 380 hommes avec une tendance à une montée en puissance.

Avec l’arrivée du Jaguar, le 1/3 Lanciers redevient une unité de cavalerie (crédit-photo Armée de Terre)

Le 1/3 Lanciers revient à une unité de cavalerie avec le contrat CaMo

En 2018, le choix du programme Scorpion par la Belgique a amorcé un nouveau changement pour le bataillon moins de dix ans après son passage à l’infanterie. « Il y a un pendant cavalerie avec le véhicule Jaguar. C’est assez naturellement que l’état-major de la Défense a choisi notre bataillon pour les accueillir, compte tenu de notre passé. De ce fait, nous redeviendrons une unité de cavalerie », se félicite le lieutenant-colonel Didier Plas. Les premiers véhicules sont attendus pour 2027. Le défi sera d’ici là de tirer les deux versions de Piranha au maximum pour faire la jonction avec le Jaguar tout en mettant en place le changement de doctrine. Le 1/3 Lanciers sera accompagné d’un bataillon de cavalerie néerlandophone, dont les contours restent à définir. Sa localisation n’est pas encore fixée. Cette nouvelle unité de cavalerie néerlandophone devra faire l’objet d’un recrutement spécifique avec une ossature à recréer. Elle reprendrait les traditions du régiment 2/4 Lanciers qui, lui, avait été dissous en 2010. Le 1/3 Lanciers pourrait alors partager son expérience pour aider à sa création. Le bataillon a encore quelques cadres qui ont connu la cavalerie. C’est le cas de son chef de corps qui a été chef de peloton sur char Léopard pendant deux ans puis chef d’escadron. Il quittera ses fonctions à la tête du bataillon l’année prochaine. Quant au capitaine Denis, entré à la Défense en 1989, il a été chef de véhicule Léopard. L’expertise reste présente.

Le 1/3 Lanciers est jumelé avec le 5ème régiment de Dragons avec des entraînements communs (crédit-photo IPR 1/3 Lanciers)

Un début d’une coopération plus poussée avec les Français

Au niveau du bataillon, le contact n’a pas encore eu lieu avec les Français. Certains officiers suivent toutefois déjà des cours au sein de l’Armée de Terre. Le lieutenant Gérard de l’escadron C est revenu dernièrement de plusieurs mois de formation en France. Le 1/3 Lanciers est jumelé avec le 5ème régiment de Dragons qui est basé près du camp de Mailly. Ce dernier accueille le centre d’entraînement du CENTAC où est déjà passé le 1/3 Lanciers dans le cadre d’exercice commun entre les deux pays. Les échanges entre les deux unités sont surtout de niveau peloton. A la fin de l’année, le grand exercice Celtic Uprise fera son retour et le 1/3 Lanciers intégrera une compagnie française. « Les Français aiment venir en Belgique car il y a l’opportunité du terrain civil avec cette touche de réalisme. Contrairement à l’armée française, nous menons beaucoup d’exercices en terrain civil car nous n’avons pas de grands camps comme la France et pas autant », précise le lieutenant-colonel Didier Plas. En Roumanie, un peloton belge s’est entraîné avec les Français sur AMX 10 RCR avec cet aspect cavalerie. A noter qu’en France, les AMX 10 RCR seront remplacés par les Jaguar.

L’adaptation est une des capacités importantes indispensables à chaque militaire. Le bataillon 1/3 Lanciers en est la parfaite illustration avec un passage de la cavalerie à l’infanterie puis maintenant un retour à la cavalerie sur un laps de temps de moins de trente ans. Pas commun. Sa reconversion marquera le retour de la cavalerie légère au sein de la Défense belge.

EBRC Jaguar (crédit-photo Arquus)

Engin blindé de reconnaissance et de combat

Equipage: 3 membres (chef de véhicule, canonnier et chauffeur)

Masse au combat: 25 tonnes

Armement: canon de 40mm, missile antichar et mitrailleuse 7,62mm

Vitesse sur route: 90 km/h

Vitesse en tout terrain: 70 km/h

Pour en apprendre plus sur l’histoire de la cavalerie belge: https://www.perron.be/?product=la-cavalerie-belge-au-fil-des-siecles

La deuxième partie de notre reportage est à retrouver demain sur notre site.

6 commentaires

  1. Bonjour,
    Super série d’article !

    Je suis heureux d’apprendre que les EBRC Jaguar seront concentrés aux seins d’unités de cavalerie, moi qui pensais jusqu’à présents qu’ils équiperaient sans distinction un escadron par 12 véhicules dans chacun des 5 bataillons de manoeuvre.

    Par ailleurs, la (re)création d’une future unité de cavalerie néerlandophone est une très bonne nouvelle. Ses traditions seront-elles celles du 2/4 Lanciers ? Les Guides pourraent être des candidats sérieux…

    Toujours est-il qu’avec la création d’une seconde unité de cavalerie, la présence de 4 unités d’infanterie et la création future d’une unité supplémentaire de reconnaissance belgo-luxembourgeoise, on se dirige peut-être progressivement vers une possible scission de la brigade motorisée au profit de 2 petites brigades (la 1ère et la 7ème ?)…

    A suivre donc…

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  2. Ces Piranhas DF 90 n’ont pas du tout la fière allure des Leopards. Ils sont moches et mal foutus. J’ai lu qu’ils étaient équipés d’un canon d’un calibre assez faible de 90 mm. Ils sont mal foutus car ils ne peuvent pas tirer d’obus flèche anti-char La Belgique en possède aussi en nombre échantillonnaire : 18.
    Donc 350 chars Leopards équipés d’un canon de 105 mm ont été remplacés pas 18 piranhas DF90 ! Quelle chute de puissance de feu!
    Quand Peter de Crem a choisi les Piranhas malgré son calibre hors des références OTAN, il aurait répondu au parlement que ces Piranhas étaient destinés à une brigade médiane et n’étaient pas destinés à combattre des chars. Pensez-vous que les Russes vont demander à Vivaldi l’autorisation avant d’engager nos soldats avec des chars? HALLUCINANT.

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  3. Chronologiquement la première tranche de 138 blindés Piranha (dont 18 DF 90) a été commandée en 2006. Malgré de nombreuses et légitimes interrogations (1), Mr Flahaut a persisté dans le choix du calibre 90 mm.

    En 2008, Mr De Crem a justement remis en question le choix du calibre et n’a pas commandé la tranche suivante de 22 DF90 mais malheureusement également les 88 véhicules des 2 autres tranches en version DF 30, génie … occasion ratée, il aura pu remplacer les DF 90 par des DF 30 équipés du Spike. Pourquoi, manque de financement … ??

    En 2014, le premier ministre, Mr Di Rupo, confirmait au sommet de l’Otan au pays de Galles un niveau de dépenses au profit de la défense de 2% par rapport au PIB…

    (1) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2005/03/10/90mm-pour-larmee-belge-cest-leger-ZLROU4PDSBHZVLFFDYUEQTOG3I/

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