Point de situation sur le Quartier du Futur de la Défense à Charleroi.

Le vendredi 26 avril, le Conseil des ministres a approuvé la convention engageante liant la Défense et la SORESIC, la Société de reconversion des sites industriels de Charleroi, en vue d’assurer l’acquisition par la Défense des terrains où s’implantera prochainement le Quartier du Futur sur le site de la Porte Ouest. Cet accord permet et sécurise la passation des marchés publics dédiés au projet sur un espace désormais sanctuarisé.  

Etant l’un des aspects les plus visibles du Plan Quartiers lancé en octobre 2021 par la ministre Ludivine Dedonder, le projet Quartier du futur s’inscrit au sein d’un autre ensemble plus large auquel il se veut pleinement intégré. De ces 105 hectares de friches industrielles vont en effet naître, sur le site Duferco-Carsid à Charleroi, outre la caserne, des campus de PME en partie issus du cleantech, un parc métropolitain de bureaux et des infrastructures logistiques fluviales, le tout relié par un réseau d’espaces publics. L’objectif est de promouvoir une dynamisation et une synergie de ces différents pôles et c’est à la Défense qu’il revient d’ouvrir le bal, la construction de sa nouvelle caserne devant être le premier levier de développement du site. Outre plus de 1000 emplois directs et autant d’indirects attendus, la demande générée par les besoins de l’armée (matériaux de construction, drones, cybersécurité) générera le développement du reste de l’écosystème attendu. Dès lors prioritaire, l’inauguration de la caserne est attendue pour 2026-2027. C’est donc l’occasion de revenir sur le Master plan sur lequel le projet récemment approuvé se base. 

Pour quelle utilité et quelles unités ? 

Sous un angle plus strictement militaire, premièrement, l’établissement de nouvelles casernes a pour objectif d’assurer une meilleure couverture géographique de sa présence sur le territoire. Cela permettra à la Défense d’accroitre son attractivité et à ses militaires de pouvoir travailler plus près de leur domicile. 

Secondement, ces nouvelles bases sont au centre du renforcement prévu des capacités logistiques de la Défense en matière de Direct Support et de General Support. Cette réorganisation, déjà annoncée dans le plan STAR, est davantage détaillée dans l’article paru en 2023 dans la Revue Militaire Belge “Logistiek van de toekomst: ondersteuning van landoperaties”, rédigé par le colonel Peter Constandt et le lieutenant-colonel Jürgen Felies. 

D’après l’article, parmi ces nouvelles unités carolorégiennes, une nouvelle compagnie Direct Support (La 200 Cie Mat, dissoute en 1994) renforcera le 4e Bataillon Logistique en appui de la Brigade Motorisée. L’occupation de la base se ferait toutefois principalement par le 8e Bataillon Logistique, prochainement recréé pour assurer le General Support avec le 29e Bataillon Logistique à la manière d’avant sa dissolution en 2011. En tant que Theater Logistic Battalion (TLB), celui-ci prendrait en charge les capacités de classe III, à savoir de stockage et de transport de carburant, et de classe V, c’est à dire d’approvisionnement en munitions. Outre la Compagnie d’Etat-Major du 8e, seule sa 100e Compagnie Ravitaillement devrait être affectée à Charleroi en tant que Theater Logistic Element tandis que sa 12e Compagnie Transport irait, elle, à Grammont. D’autres nouveaux éléments d’appui se grefferont probablement encore au quartier. Tant pour le stockage du carburant que des munitions et de leurs véhicules de transports dédiés, la construction du nouveau quartier sera l’occasion de prévoir des infrastructures ad hoc tout en prévoyant une possibilité de croissance ultérieure. Une nécessité alors que le manque de munitions à la Défense s’est récemment révélé dramatique.  

Le Quartier du Futur de Charleroi devrait accueillir en tout plus de 1.000 militaires belges. Le nom de toutes les unités n’est pas encore connue.

Localisation 

Outre le caractère de désert militaire de la province, la localisation du futur centre névralgique de la mobilité militaire dans le sud du pays se devait d’être spatialement centré. A plus petite échelle, d’autres éléments ont, à leur tour, participé au choix de l’emplacement du quartier : proximité d’un centre urbain et d’une main d’œuvre qualifiée pertinente pour les besoins de la Défense, absence de zonage SEVESO, niveau de pollution présumé plus faible permettant une implantation plus rapide et mobilité renforcée à l’avenir. Un campus lui-même à proximité du site A6K où le Cyber Command a récemment installé sa Cyber Defense Factory, dans le même esprit de synergie civil-militaire. 

La caserne 

Sur le terrain, ces besoins se traduiront par la création d’un espace de 25,5 ha auxquels s’ajoutent 4,5 ha d’extension potentielle (le terrain n’est pas encore acquis). Les 25,5 ha se divisent eux-mêmes entre 19 hectares pour la “caserne fermée” et 5,5 ha pour la caserne ouverte”, la zone de co-usage civil et militaire. Ces deux espaces seront séparés par un parcours cyclo-piéton qui reliera la gare de Marchienne-au-Pont à une nouvelle station de métro sur le campus Confluence. Cet espace ouvert concentrera les infrastructures mutualisées entre les mondes civil et militaire et dédiées notamment aux programmes de recherche et de formations ou culturels encore à préciser. Il comprend également deux massifs ensembles de halls industriels de la moitié du 20ème siècle qui seront profondément restaurés et reconvertis “pour accueillir les programmes/équipements du Quartier du Futur”. Ce sont les halls du service Traction (entretien et réparation de locomotives et wagons) et les halls du service Belle-Vue. 

Par ailleurs, si la caserne fermée disposera de son propre terrain d’entrainement (3 ha), les militaires devraient également profiter d’une zone de manœuvre à proximité immédiate pour leurs exercices. Le terrain de la carrière de Monceau est pour l’instant l’option favorisée.

Le Quartier du Futur augure un renversement de la dynamique de fermeture et de concentration des quartiers au sein de la Défense belge. En décloisonnant des mondes civils et militaires, le projet redonnera à la caserne sa visibilité et son rôle historique de catalyseur économique local, favorisera l’innovation défense ainsi que l’image et la visibilité de l’armée. 

Il faudra néanmoins que le nouveau quartier réponde à de nouveaux défis sécuritaires, notamment pour sa partie ouverte, alors que la protection (aérienne) des autres bases du pays tarde à être mise en œuvre. De même, la mobilité autour du site et les risques de congestion signalés dans le Master plan devront faire l’objet d’un effort nécessaire si l’on veut faire garder aux unités logistiques présentes leur réactivité et donc leur pertinence. Enfin, au vu de la conjoncture internationale et nationale, ce nouveau sens du vent pour la Défense ne devrait pas dévier mais bien se renforcer dans les années à venir. Il faudra donc envisager sans plus tarder la capacité d’extension du site, mais également mettre à profit l’expérience tirée de la construction du site pour de potentiels nouveaux quartiers.