Mobilité et “Schengen” militaires : quelle place pour la Belgique ?

Le déploiement du contingent belge en mars 2022 a nécessité des autorisations pour traverser les différents pays jusqu’en Roumanie (crédit-photo
Adrien Muylaert/BE Défense)

Mobilité et “Schengen” militaires : la place de la Belgique.

Pour faire face aux problèmes bien connus du manque d’infrastructures adaptées et aux difficultés normatives européennes en matière de mobilité militaire; l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne ont signé le 30 janvier dernier une déclaration d’intention pour développer un corridor militaire reliant les ports de la mer du Nord aux bases militaires polonaises. Communément appelé “Schengen militaire” dont il se veut une déclinaison, le projet s’attaquera prioritairement aux points d’étranglement de circulation, à la législation entourant le transport transfrontalier de munitions et de marchandises dangereuses ainsi qu’aux modalités de priorisation du trafic ferroviaire militaire sur le civil.

Pourtant, l’enjeu de la mobilité militaire transeuropéenne figure également en bonne place dans l’agenda belge. Déjà évoqué dans le plan STAR, le rôle de la Belgique comme “pays de transit” a encore été souligné au sommet de l’OTAN à Vilnius en juillet 2023. D’une part car celle-ci est partie intégrante de la communication line stratégique pour la fourniture de renfort et d’approvisionnement transatlantique, d’autre part car le nouveau principe de host nation support de l’OTAN impliquera davantage de responsabilités pour la Défense en matière de capacité d’accueil.

Le 30 janvier également, l’Agence Européenne de Défense (AED) organisait un «Symposium de haut niveau» sur la mobilité militaire à l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD) à Bruxelles, dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l’UE. Ce sont ces raisons qui ont suscité les interrogations des députés Théo Franken (NV-A, opposition) et Tim Vandenput (Open VLD, majorité) en Commission de la Défense nationale du 3 avril dernier, portant respectivement sur l’état des infrastructures belges et les investissements à y consentir, et sur l’absence de la Belgique dans le programme de “Schengen militaire”.

C’est ainsi que la Ministre Ludivine Dedonder a informé la Commission du fait que la Défense avait exprimé, avec le Luxembourg, le souhait de participer à ce projet. Les deux pays ont d’ailleurs été invités en tant qu’observateurs au premier comité de pilotage du projet qui s’était tenu à Varsovie le 21 mars, pour en tirer des connaissances que la Belgique appliquera à ses “propres corridors de mobilité nationaux, qui relient nos ports maritimes aux pays voisins.”

Les unités américaines, déployés en Europe, font parfois leur entrée par les Pays-Bas pour rejoindre leur zone de déploiement. L’armée néerlandaise apporte son soutien pour sécuriser le débarquement du matériel en tant que Host Nation Support. Cela a aussi été le cas par le passé pour la Belgique (crédit-photo NL Defensie)

La Ministre a ensuite confirmé que la Défense cherchait à renforcer la coopération dans ce domaine avec les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne ainsi qu’avec le Luxembourg. La coopération avec le Grand-Duché est en effet prioritaire en raison de l’établissement d’un futur hub logistique (maillon du futur réseau européen NetLogHubs) sur son territoire, afin d’y créer un itinéraire alternatif au sein du corridor septentrional et enfin car le futur bataillon belgo-luxembourgeois requerra la mobilité la plus fluide et intégrée possible.

Ludivine Dedonder a également rappelé que la Défense “a identifié des corridors de mobilité prioritaires par la route, le rail et les voies navigables en collaboration avec l’European Union Military Staff et la Direction générale de la mobilité et des transports de la Commission européenne. Au niveau national, L’analyse des goulets d’étranglement sur ces corridors par la Défense, les régions et Infrabel est en cours.” En Belgique, la concertation interdépartementale est évidemment de mise, ce qui permet à la Défense de clarifier ses besoins et de formuler un avis positif, en particulier concernant les infrastructures à double-usage militaire et civil.

De fait, identifier les projets d’infrastructure prioritaires permettra d’établir une estimation des investissements nationaux et des subventions de l’UE requis. En effet, au-delà de leur rôle “contraignant”, les programmes européens sont également sources de subsides. Récemment, l’Union Européenne a investi 31 millions d’euros dans le port d’Anvers, pour y financer les travaux de rénovation d’un pont et l’amélioration de la signalisation de deux voies ferrées, supprimant d’importants goulets d’étranglement à l’intérieur et autour du port. Un montant de 30 millions d’euros est également prévu pour la transformation de trois ponts qui ne sont pas adaptés au matériel militaire lourd sur l’E34 entre Anvers et Zeebrugge.

Un troisième appel à propositions de la Connecting Europe Facility a été clôturé en septembre passé, pour une montant total de 600 millions d’euros. En accord avec la Défense, 4 projets ont été présentés par la Belgique (trois par la Région wallonne, un par le SPF Mobilité et Transports), mais la concurrence sera rude.

Derrière tout cela, comme le rappelle le député Vandenput, l’enjeu est également économique : en se positionnant comme acteur central de la mobilité européenne, la Belgique et son port d’Anvers concurrencent Rotterdam dans l’obtention des subsides européen et du monopole logistique militaire, alors que les Pays-Bas, déjà présents dans le “Schengen militaire”, coordonnent le projet PESCO Military Mobility.

3 commentaires

  1. Toujours étonné qu’il faille « mettre en place des procédures pour le transit de matériel militaire au sein de l’OTAN » . Ces mesures ne sont-elles pas en place déjà depuis la création de l’OTAN en 1949 ? Normalement tout cela est déjà réglé depuis longtemps via des manuels standards OTAN. Pourquoi faut-il de « nouvelles » procédures ? Le meilleur exemple est le réseau OTAN de pipeline pour les carburants. Cela est totalement intégré de la Norvège au Portugal et de la Pologne à l’Angleterre.

    Si, en temps de guerre, il faut commencer à demander à tous les pays de l’OTAN si on peut passer, avec un train, sur leurs territoires pour déplacer, disons une compagnie de char (12-14 engins) de Anvers vers Bucarest, la guerre sera finie depuis longtemps avant que tous les papiers ne soient remplis. Totalement absurde…

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  2. Pour la – logistique au long court – question qui est soulevée dans cet article, sur ARTE je vous invite à voir ou à revoir le copieux documentaire intitulé « Poutine, l’OTAN et l’Europe ». Notez qu’Il est toujours disponible. Outre la bonne évocation avec un exemple parlant du JSEC d’Ülm ( QG logistique), d’autres thèmes essentiels y sont traités en 89 minutes. Du très bon travail à voir « Au large », c’est à dire par tout le monde.

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  3. Ben oui et déjà pour moi….. Mon p’tit me dit ici que dans la réalité bien ferme, la « logistique au long cours » ne se pratique surtout pas sur un court de tennis, même s’il est très long. L’est bien c’t enfant. Merci à lui.

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