Avec l’aide de ses voisins du Benelux, le Luxembourg se lance dans la médecine militaire

Le major Joëlle Linck à la tête du Rôle 1 luxembourgeois lors d’un exercice (crédit-photo LU Arméi)

Avec l’aide de ses voisins du Benelux, le Luxembourg se lance dans la médecine militaire.

En 2017, la secrétaire d’État à la Défense Francine Closener présentait les « Lignes directrices de la défense luxembourgeoise 2025+ ». Dans ces nouvelles orientations, la mise en place d’un projet de médecine militaire faisait son apparition alors qu’elle était jusqu’ici absente afin de répondre à une obligation de l’OTAN. En plus de la Composante Aérienne bien plus visible, la capacité médicale de l’armée luxembourgeoise monte en puissance avec l’aide de ses voisins du Benelux. Explications avec le Major Joëlle Linck, chef du service de Santé depuis le 1er mars 2018.

Le service de Santé de l’armée luxembourgeoise comprend une douzaine de personnes (crédit-photo LU Arméi)

L’armée luxembourgeoise est dôtée d’un Rôle 1

Avec une armée de petite taille (environ 1.000 hommes), la Défense luxembourgeoise se concentre sur le développement d’une capacité de type Rôle 1. A l’heure actuelle, cette dernière comprend une douzaine de personnes qui sont réparties dans deux ambulances, dont une blindée, et d’une tente médicale. Elle a deux sous-officiers Paramedic et un qui est actuellement en formation, plus 2 sous-officiers EMT, 1 à 2 caporaux EMT et plusieurs soldats volontaires à sa disponibilité. La principale difficulté rencontrée est le grand-turnover du personnel. «Nous avons beaucoup de soldats volontaires. Ils sont là pour 3 ans avec possibilité de se réengager pour une période d’un an. Il faut sans cesse former. C’est pourquoi nous avons besoin de plus de personnel militaire de carrière », explique le Major Joëlle Linck. Le rôle 1 progresse dans sa mise en place mais pas aussi vite qu’avec du personnel permanent. Les entraînements se sont accentués en 2019 afin d’y arriver.

Des militaires luxembourgeois lors d’un exercice à Marnewaard en décembre 2019 avec les Néerlandais et les Belges (crédit-photo LU Arméi)

La Belgique et les Pays-Bas sont les principaux partenaires de soutien

« Il nous faut beaucoup d’entraînement pour pouvoir se mettre à niveau », constate le Major Joëlle Linck. L’armée luxembourgeoise s’appuie sur l’expérience de ces voisins du Benelux. Il y a beaucoup de liens avec la Belgique et le personnel médical luxembourgeois suit des cours au sein du Centre de Compétence de la Composante Médicale (CC Med) à l’Hôpital Militaire Reine Astrid à Neder-Over-Heembeek. Aux Pays-Bas, c’est le Centre d’éducation et de formation aux soins de santé de la Défense (DGOTC), situé à Hilversum, qui est concerné. Le personnel médical luxembourgeois est intégré dans des exercices belge ou néerlandais. L’entraînement individuel et la communication de groupe sont analysés pour un retour d’expérience. En décembre dernier, le rôle 1 luxembourgeois participait à un exercice néerlandais à Marnewaard avec des Belges. Les Luxembourgeois ont été sous les ordres des aspirants officiers néerlandais et belges. «Tous les jours, on avait un autre officier qui nous guidait au niveau des entraînements tactiques. On recevait des cas cliniques à la tente pour faire les soins. On créait des contraintes comme pour un jeu de rôles », développe le Major Joëlle Linck. Le problème avec les Pays-Bas est le celui de la langue même si le luxembourgeois n’est pas si loin d’où des difficultés pour appréhender toutes les leçons. C’est pourquoi pour la formation théorique, la Défense luxembourgeoise s’appuie plus sur la Belgique.

Des militaires luxembourgeois pourraient prochainement renforcer le soutien médical de l’EUTM Mali (crédit-photo LU Arméi)

Pas d’exercices internationaux mais une participation à une opération envisagée

Le rôle 1 luxembourgeoise n’a pas encore participé à de grands exercices internationaux comme Vigorous Warrior. En 2019, c’était encore trop tôt mais un sous-officier du service médical, le 1er sergent Patrick Hardt, y était présent comme évaluateur. Le Luxembourg envisage de participer à la prochaine édition en 2021.

Pas de déploiement en opération dans l’immédiat mais c’est bien au programme. Le projet de règlement grand-ducal sur la participation de l’armée luxembourgeoise à l’EUTM Mali parle d’un soutien médical. Le Major Joëlle Linck nous a confirmé que c’était en cours de négociation avec l’envoi d’une ambulance et d’une équipe de 3-4 personnes afin d’accompagner des convois et effectuer des évacuations d’urgence en cas d’attaque IED par exemple, une sorte de SAMU militaire. L’ambulance blindée de la Défense est en train d’être mise à jour par les mécanos de la Défense pour ce type de mission. Par le passé, le Luxembourg a déployé une infirmière au Kosovo et un infirmier au Liban mais jamais une équipe.

Exercice d’évacuation médicale (crédit-photo LU Arméi)

Le rôle 1 luxembourgeois vise une pleine capacité opérationnelle en 2023. Il y a même un projet d’achat de deux nouvelles ambulances blindées. Mais le gouvernement luxembourgeois ne compte pas s’arrêter là. Le 23 juillet dernier, il a donné son accord pour que l’armée commande une étude sur la faisabilité d’un projet d’hôpital militaire, pouvant servir à la fois à soutenir l’OTAN et le réseau hospitalier civil luxembourgeois en cas de crise sanitaire majeure ou d’attentats terroristes. Un projet de plus qui participe à l’effort de Défense voulu par le gouvernement luxembourgeois.

L’info +

Durant la crise de la pandémie COVID-19, le service médical de l’armée a surtout été mobilisé en interne en répondant aux interrogations et en sensibilisant les compagnies sur les gestes barrières à adopter. Deux soldats ont été détachés auprès du CGDIS (Corps grand-ducal d’incendie et de secours), qui a demandé de l’aide à cause de la peur d’un manque de personnel. Ils l’ont été pendant deux mois avec des rotations toutes les trois semaines. Pour parfaire leur formation médicale continue, des militaires sont déjà régulièrement intégrés au sein du CGDIS avec 3 jours de permanence par mois pour les sous-officiers et les caporaux. Pour les soldats, c’est une semaine par mois de temps en temps.  Avec la crise, les militaires ont été complètement détachés afin d’éviter les contaminations. A la fin de leurs trois semaines, ils ont eu droit à une semaine de congé puis ont passé un test et répondu à un questionnaire avant de réintégrer le service. Avec un seul cas positif, tout le service médical aurait été en quarantaine et donc indisponible d’où ses mesures prises.  L’armée luxembourgeoise, elle-même, a été très peu touchée par le virus avec moins de 10 cas, qui ont présenté seulement des symptômes légers et qui ont été guéris. Aucun n’a été infecté en mission.

17 commentaires

  1. C’est une bonne nouvelle même si le Luxembourg n’envoie pas ses soldats sur des postes exposés.

    La prise en charge rapide du blessé permet d’augmenter ses chances de survie et de guérison:
    https://www.rfi.fr/fr/emission/20180916-france-service-sante-armees-prise-charge-soldats-blesses

    Même ceux qui taillent dans la puissance publique se sont aperçus de l’utilité de ce service:
    https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/crise-sanitaire-quel-soutien-medical-du-service-de-sante-des-armees

    Ce qui n’empêche pas le discours dominant sur l’optimisation:
    https://www.latribune.fr/opinions/service-de-sante-des-armees-la-medecine-de-l-avant-ici-et-maintenant-852960.html

    Avec l’épidémie de COVID-19, la médecine de crise a montré ce dont elle est capable.

    Avec les attentats potentiellement possibles sur le sol national et une criminalité organisée de plus en plus armée, la médecine de guerre ne doit pas être ignorée.

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